Un immeuble de SOLIDES vendu : des locataires pressés de quitter
Aux prises avec des difficultés financières, la Société locative d’investissement et de développement social (SOLIDES) s’est départie de l’immeuble sis au 144, rue de Gaspé Ouest à Châteauguay le 17 décembre. Depuis, les locataires disent subir de la pression de la part du nouveau propriétaire pour les inciter à quitter les lieux.
La vente, s’avérait «la dernière solution pour assurer la viabilité de l’organisme», soutient le directeur général par intérim de SOLIDES, Elie Gravel. M. Gravel occupe ce poste à la suite du départ pour maladie du directeur général François Giguère. L’homme s’est éteint en septembre. À son arrivée en août, Elie Gravel mentionne que l’organisme se heurtait à des enjeux de liquidités attribués à une première hausse des taux d’intérêt sur certains prêts et une seconde des taxes foncières à Châteauguay «qui a pris SOLIDES à la gorge». Résultat : l’organisme gestionnaire d’un parc de logements abordables a terminé les exercices financiers 2023 et 2024 en enregistrant des déficits ayant mené à la vente de l’immeuble du 144, rue de Gaspé Ouest. «Cet immeuble aurait pu être protégé [avec] un appui financier de la part d’un des paliers de gouvernement pour éviter la vente», affirme M. Gravel. SOLIDES, propriétaire depuis 2012, a tenté en vain d’obtenir du financement public pour faire du 144, rue de Gaspé Ouest un immeuble subventionné.
La vente de l’immeuble à Châteauguay constitue une composante d’un plan de redressement de SOLIDES. Pour «passer au travers de la crise, minimiser la hausse des loyers» et éviter toute vente d’immeubles dans un futur rapproché, l’organisme se donne quelques stratégies, dont renégocier des ententes financières et définir un bilan de santé de chaque immeuble afin de planifier les investissements sur le parc de logements abordables.
Les bacs de récupération débordent; personne ne les déposant sur le bord de la rue le jour de la collecte. (Photo : Le Soleil-Marie-Josée Bétournay)
Pression pour quitter les lieux
Le 23 décembre, Alain Gagnon, un locataire, a reçu la visite de deux hommes l’informant des démarches à suivre à la suite de la vente de l’immeuble. «Ils m’expliquent que le 30 janvier je dois partir. Ils refont l’électricité dans la bâtisse. C’est une question d’assurance. Ils me disent que les 38 logements [les locataires] partiront d’ici le 30 juin à la fin de nos bails», confie M. Gagnon après une discussion avec les hommes plus tard en décembre. La veille de Noël a été scrappée, j’ai rien que cela dans la tête, je dors mal.»
Une deuxième locataire, désirant garder l’anonymat, a appris la vente de l’immeuble le 25 décembre à son retour du réveillon de Noël. À un homme représentant le propriétaire, elle lui a demandé si elle pourra regagner son logement à la fin des travaux. «Il me dit c’est mon choix. Comment mon choix? Il me demande combien je paie, je lui dis que je suis avec l’OMH [Office municipal d’habitation de Roussillon]. ‟No OMH you eviction‟, il me répond», relate-t-elle.
L’homme, omettant de se nommer, frappe à la porte de son logement sur une base régulière pour obtenir de sa part un spécimen de chèque et des signatures. Elle dit avoir été suivie jusqu’à sa voiture et avoir reçu plusieurs messages et courriels la persuadant de céder.
Rencontre urgente
Le 9 janvier, le Comité logement Rive-Sud à Châteauguay, voué à la défense des droits des locataires, a tenu «une réunion d’urgence» à l’intention des résidents du 144, rue de Gaspé Ouest. Trente personnes se sont présentées afin de connaître leurs droits. «Les locataires étaient très inquiets et visiblement sous le choc et déploraient la situation de harcèlement qu’ils subissent avec le nouveau propriétaire depuis le 23 décembre pour faire en sorte qu’ils quittent», indique Stéphane Moreau, organisateur communautaire au sein du Comité logement Rive-Sud. Il estime à «près d’une dizaine» le nombre de personnes ayant signé une résiliation de bail ou une hausse de loyer de 165 $, sous la pression. Le Comité logement Rive-Sud s’allie à Me Manuel Johnson, un avocat spécialiste des rénovictions. Les locataires sont en communication avec l’homme de droit.
Qui est le propriétaire?
Le Soleil a obtenu copie d’une lettre notariée contenant des informations sur la vente de l’immeuble à la compagnie 9529-8162 Québec inc. Après vérification au registre des entreprises, cette compagnie a été créée en novembre 2024 et le principal actionnaire se nomme Yosef Rabi, un résident de Montréal. Le nom de M. Rabi figure également comme actionnaire de l’immeuble sis au 110, rue Turenne à Châteauguay; bâtiment dont le Journal a parlé récemment lorsque les nouveaux propriétaires ont annoncé qu’ils ne renouvelleront pas l’entente de supplément au loyer.
Action Realty, une compagnie de gestion à laquelle les locataires du 144, rue de Gaspé Ouest doivent se référer pour obtenir toute information, a indiqué au Soleil ne pas avoir les informations en lien avec le départ des résidents le 30 janvier. Le répondant confirme que l’immeuble appartient à la compagnie 9529-8162 Québec inc. et qu’un retour d’appel serait fait au journal. Le Soleil a communiqué également avec Frank Agostinelli avec qui SOLIDES dit avoir négocié la vente de l’immeuble. Au moment de la diffusion, il n’avait pas retourné notre appel.