Opinion

Réflexion sur les compressions de 1,5 milliard en santé

Il y a 8 heures
Modifié à 16 h 39 min le 14 février 2025

Dans la mythologie grecque, Kronos était un titan qui, par peur de perdre son pouvoir, dévorait ses propres enfants pour empêcher la prophétie de se réaliser. Cette image tragique illustre bien ce que Santé Québec est en train de devenir.(Photo Gracieuseté)

Il est des décisions qui, sous couvert de rationalité économique, portent des conséquences irréparables. Ces derniers jours, une ombre s’est abattue sur notre communauté : l’annonce de compressions massives qui touchent directement les services de soutien aux personnes vulnérables, notamment en santé mentale, consommation et itinérance. 

Intervenant de milieu pour le projet ITMAV, soutenu par l’AQDR, je suis témoin quotidien des défis que traversent les personnes vulnérables. Depuis des années, je travaille en partenariat avec des équipes engagées qui jouent un rôle essentiel pour les plus démunis. Ces services ne sont pas un luxe, mais une bouée de sauvetage pour des centaines de personnes en détresse. 

Chaque jour, ces intervenants tissent un filet d’espoir là où il n’y a que l’errance, l’oubli et la précarité. Ils sont la dernière ligne avant la chute. 

À Valleyfield, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 8,44 % de la population est en situation de grande vulnérabilité, bien au-dessus de la moyenne québécoise. Ces coupes sont une condamnation silencieuse pour ces citoyens laissés pour compte.

On ne parle pas seulement de compressions budgétaires ou d’équilibre comptable. Derrière ces coupes, ce sont des êtres humains qui souffriront, des vies fragilisées, des chances de réhabilitation mises en péril. 

Les services de deuxième ligne en santé mentale jouent un rôle crucial : ils servent de pont vital entre la rue et les soins spécialisés. Contrairement aux services de première ligne – médecins de famille, travailleurs sociaux ou intervenants en CLSC – qui assurent un premier contact avec le système de santé, ces services spécialisés offrent un suivi approfondi nécessitant des expertises médicales et psychiatriques. Ils permettent un accès rapide aux soins, sans les lourdes démarches administratives, pour les personnes en grande détresse. 

En supprimant ces services, on brise ce lien direct avec les soins spécialisés et on renvoie des personnes vulnérables vers une première ligne déjà surchargée et inadaptée aux cas complexes. Ces patients ne disparaîtront pas : ils reviendront aux urgences, retourneront dans la rue, piégés dans un cycle d’errance et de détresse qui aurait pu être évité. 

Dans la mythologie grecque, Kronos était un titan qui, par peur de perdre son pouvoir, dévorait ses propres enfants pour empêcher la prophétie de se réaliser. Cette image tragique illustre bien ce que Santé Québec est en train de devenir : un titan si grand et si éloigné du travail de terrain qu’il ne perçoit même plus ceux qu’il est censé protéger. Il sacrifie ses propres piliers, croyant préserver l’ensemble, mais en supprimant ces services essentiels, ce sont des soins physiques, un soutien psychiatrique, une écoute attentive et un accompagnement vital qui disparaissent. 

Il faut espérer que le gouvernement comprendra, avant qu’il ne soit trop tard, qu’en sacrifiant la lumière, il ne reste que l’ombre. 

Stéphane Lefort 
Intervenant de milieu, projet ITMAV, 

Salaberry-de-Valleyfield et Beauharnois