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Mars 2004 : l'art de casser un embâcle

le jeudi 07 mars 2019
Modifié à 14 h 23 min le 16 mars 2023
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

(Texte publié le 13 mars 2004) Devant le spectacle de la rivière couverte de glace concassée bloquée sur plus d'un kilomètre entre le pont Laberge et le parc Seers, à Châteauguay, samedi dernier (6 mars 2004)  en après-midi, plusieurs croyaient qu'il faudrait des jours pour venir à bout de l'embouteillage.

Le lendemain vers 20h30, l'immense embâcle sautait déjà, vaincu par deux petites grenouilles d'acier. C'est qu'il y a un art de casser ces blocages. Pour y arriver, les opérateurs des pelles mécaniques flottantes utilisent la puissance de la rivière.

«Derrière l'embâcle, la pression de l'eau est énorme», souligne le maire Pavone. Attaquant l'embâcle à la tête, les «grenouilles» y cherchent un endroit où l'eau circule encore, un courant principal. Lorsque cette écoulement est détecté, ils y enlèvent des morceaux de glace et il se produit peu à peu un tirant d'eau, un effet de succion qui finit par faire céder l'embâcle, explique Sophie Latreille, de la firme Hydro-Météo engagée par la Ville de Châteauguay pour contrôler la crue printanière.

Quand l'abcès crève, les grenouilles ont intérêt à trouver un abri, loin des tonnes de glaçons qui se mettent à dévaler à toute allure. «C'est déjà arrivé qu'une excavatrice n'ait pas le temps de s'enlever et qu'elle se fasse emporter par le courant jusque dans le lac Saint-Louis !» observe l'échevin Serge Dion. «Chaque mouvement que l'opérateur effectue est important. C'est pour ça qu'il ne va pas vite», souligne Sophie Latreille.

Pas possible dynamiter

Une trentaine d'heures pour libérer la rivière, c'est quand même long lorsqu'on redoute l'arrivée d'une trâlée de banquises de Sainte-Martine. Le maire Pavone a confié lundi qu'il avait envisagé une solution explosive pour déboucher rapidement le cours d'eau. «J'avais pensé à la dynamite mais quand j'en ai parlé aux experts ils m'ont dit que ce n'était pas possible. Comme la glace était en morceaux, la faire sauter à la dynamite aurait produit des projectiles», a-t-il expliqué.

Pas d'aéroglisseur sans débit

Selon le maire, l'aéroglisseur utilisé comme brise-glace sur le lac Saint-Louis et une partie de la rivière ne pouvait pas intervenir plus tôt, en février par exemple, par mesure préventive. «Pour que l'aéroglisseur fasse son travail, il faut que la rivière ait un débit suffisant. Sinon, la glace cassée reste sur place et on crée nous-mêmes un embâcle», explique-t-il. Fin février, la rivière était gelée et rien ne laissait présager le réveil qu'on a connu la fin de semaine dernière. «Cette semaine, dès qu'on a su que le débit était suffisant, on a appelé et on a eu les appareils 24 heures plus tard. On est très satisfait du temps de réponse», assure le maire. L'an dernier, l'aéroglisseur avait été dépêché à Châteauguay un 19 mars et aucune inondation ne s'était produite. Comme quoi la rivière se réveille un peu plus tôt cette année.