Manque de bras dans les restaurants de la région
Contraints de fermer leurs salles à manger pendant plus de huit mois en raison de la pandémie, les restaurateurs de la région avaient hâte de recevoir à nouveau leurs clients. Ils font maintenant face à un autre défi : celui d’avoir suffisamment d’employés pour répondre à la demande.
Ugo Dieumegarde est propriétaire du resto-bar La Chapelle et de la salle de réception du Boisé à Mercier. Depuis le début de la pandémie, le restaurateur a de la difficulté à faire fonctionner son établissement normalement.
« J’ai fermé temporairement la cuisine pendant une journée au resto-bar et même si le reste de l’entreprise reste ouverte, je suis vraiment à effectif réduit, je manque de monde », se plaint M. Dieumegarde.
Paradoxalement, il affirme que ses affaires n'ont jamais été aussi bonnes que maintenant, alors que les événements se succèdent à sa salle de réception. Si bien que le personnel en place, y compris lui-même, travaillent parfois plus du double de leurs heures normales.
Selon lui, la Prestation canadienne de relance économique (PCRE) offerte par le gouvernement fédéral n’améliore en rien la situation déjà compliquée par le manque de main-d’œuvre.
« Il y en a certains qui aime mieux rester chez eux à rien faire pour 50$ de moins par semaine au lieu de travailler », explique-t-il.
Même son de cloche à la microbrasserie La centrale située à Beauharnois. Pierre-Luc Côté, le propriétaire des lieux, explique comment la rareté de la main-d’œuvre peut être frustrante.
« Ça nous fait mal dans un sens où la clientèle est au rendez-vous en ce moment mais on n’a pas assez d’employés pour fournir; je dois prendre moins de tables pour avoir un service impeccable », expose-t-il.
En ce moment, La Centrale emploie 5 à 6 employés mais au dire de M. Côté, le restaurant pourrait facilement monter à une douzaine de travailleurs.
La PCRE
Le restaurateur de Beauharnois reste néanmoins compréhensif envers les travailleurs qui sont tentés davantage par la Prestation canadienne de relance économique (PCRE).
« Je ne blâme pas les jeunes qui choisissent l’option d’être à la maison au lieu de travailler dans un restaurant pour le même argent. Les conditions et les heures de travail en restauration ne sont pas toujours faciles c’est sûr », admet-il.
Malgré tous les désagréments, Pierre-Luc Côté se dit privilégié de pouvoir compter sur une aussi belle équipe.
« C’est beaucoup d’heures de travail, notre équipe travaille fort. On est chanceux d’avoir une gang tissée serrée qui est capable de prendre plus d’heures pour combler le manque », lance-t-il fièrement.
Des solutions envisageables
L’heure n’est pas à l’abattement puisque les gens du milieu de la restauration tentent de trouver des pistes de solution afin de pallier le manque de travailleurs.
Pierre-Luc Côté de La Centrale propose par exemple de procéder comme dans le monde de l’agriculture, c’est-à-dire de faire appel à des travailleurs étrangers via un programme gouvernemental pour compenser le manque d’effectifs.
En attendant, le jeune restaurateur et d’autres établissements de la région en sont venus à une solution temporaire, soit l’échange de travailleurs.
« On manque tous de staff, ça arrive qu’on va se passer des fois des employés d’un restaurant à l’autre », explique-t-il.
De son côté, François Meunier de l’Association restauration Québec (ARQ) implore le gouvernement à faire également des efforts en mettant en place des politiques publiques favorables. Tout en encourageant lui aussi le recrutement des travailleurs étrangers temporaires, M. Meunier souhaite un changement à la loi sur les normes du travail.
« Il faut le partage des pourboires, ce qui améliorerait l’équité dans la rémunération entre les gens de la cuisine et de la salle à manger », propose-t-il.
Le rapport de force à maintenant changé dans le milieu selon Pierre-Luc Côté. Les restaurateurs doivent maintenant se plier encore plus aux exigences des employés afin de pouvoir attirer davantage de travailleurs.
« C’est correct aussi d’un côté humain qu’ils aient leurs mots à dire, qu’ils décident de leurs conditions même si cela devient un peu plus compliqué pour nous », reconnaît M. Côté.
Pour sa part, David Bergeron, directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Roussillon (CCIGR) connait un restaurateur de Mercier qui a même bonifié de cinq dollars de l’heure le salaire des serveurs et serveuses de son établissement afin de pouvoir garder son équipe au complet.
Une situation peu reluisante
Selon François Meunier de l’ARQ, il y aurait entre 13 000 et 14 000 postes vacants dans le milieu de la restauration dans la province.
La pandémie n’a aidé en rien puisque bon nombre de travailleurs ont profité de la crise pour se requalifier dans un autre domaine.
« C’est un problème majeur, les gens ont réorienté leur carrière avec la pandémie, ils retournent aux études ou vont tester un autre milieu », affirme David Bergeron, directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand Roussillon (CCIGR).
De plus, il précise que certains restaurateurs ne prennent même plus la peine de faire passer des entrevues et engagent directement les personnes qui se présentent.
M. Meunier démontre l’ampleur des dégâts causés par la crise sanitaire; il y a près de 3000 restaurants au Québec qui ont fermé leurs portes depuis mars 2020. Rien qu’à Montréal, c’est environ 1000 établissements qui ont mis la clé sous la porte.
D’après le vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l’ARQ, « on aura le véritable portrait du champ de bataille lorsque les programmes d’aides fédérales disparaitront ».