Actualités

Leur conscience écologique mise à l’amende

le mardi 31 octobre 2023
Modifié à 8 h 52 min le 25 janvier 2024
Par Eric Tremblay

etremblay@gravitemedia.com

Kathryn Doré et Kevin McElreavy ont reçu une amende parce que l'emprise municipale, qu'ils ont décidé de faire fleurir, paraît négligée pour certains. (Photo Le Soleil : Denis Germain)

Kevin McElreavy et Kathryn Doré avaient semé de belles échinacées dans l’emprise municipale qui borde leur terrain de la rue Prince. Le couple de Châteauguay y voyait une façon d’embellir cette portion avec un geste pour l’environnement. Un geste qui contrevient toutefois à un règlement municipal et qui a été puni par une amende de 280 $.
«J’aimerais que l’on permette autre chose que du gazon. Je pense que le dogme du gazon est fini», a lancé Mme Doré à l’assemblée publique du mois d’août. 
La citoyenne évoquait avoir reçu des plaintes anonymes. Si bien que l’inspecteur municipal a éventuellement remis une contravention à son adresse.  Le couple n’a toujours pas décidé s’il allait payer ou contester l’amende. 
D’autres villes comme La Prairie, Drummondville ou Laval ont assoupli leurs réglementations. Celles-ci encouragent leurs citoyens à planter des pousses lentes, comme du trèfle ou du seigle. 

«Châteauguay se met la tête dans le sable en appliquant aveuglément un règlement qui s’inspire du gazon-roi des années 50.» - Kevin McElreavy


Mme Doré souhaiterait que Châteauguay emboîte le pas et modernise sa réglementation avec la réalité environnementale actuelle. 
Aider la nature
Pour le couple, faire fleurir l’emprise municipale comportait plusieurs avantages. Les fleurs indigènes plantées au fil des ans favorisent les pollinisateurs et combattent la sécheresse. La tondeuse n’est pas requise, ce qui permet de limiter son émission de gaz à effet de serre. Aussi, les fleurs enjolivent. «Des enfants en cueillent pour faire des bouquets autres que des pissenlits à remettre à leur maman, a observé la Châteauguoise. J’ai aussi aperçu des papillons, des abeilles et un nid d’oiseaux à proximité.»
Depuis trois ans, son conjoint et elle entretiennent ainsi cette portion de terrain différemment. «Des voisins trouvent ça cool, mais notre ticket les a refroidis, a-t-elle expliqué. J’ai aussi eu l’impression que le conseil était étonné qu’on en ait reçu un.»
Une intersection problématique
La résidence du 56, rue Prince se retrouve à une intersection non conventionnelle. Mme Doré est d’avis que ce ne sont pas les fleurs, mais le croisement des rues Prince et Sullivan qui pose problème. «Elles sont décalées si bien qu’on entend les voitures klaxonner parce que la visibilité est difficile, indique Mme Doré. On a opté pour clôturer notre terrain. Les gens ont chialé sur Spotted; on a donc inséré des lattes. Ce ne sont pas les fleurs le problème, mais la configuration de l’intersection.»

Vers une modification du règlement municipal ?

Le conseiller municipal de Châteauguay Éric Corbeil dit trouver bien correcte, l’emprise municipale fleurie pointée du doigt sur la rue Prince. Celui qui siège au comité environnement de la Ville pense qu’un changement réglementaire est peut-être requis.
«Mon opinion d’élu, ce que j’ai vu chez Mme Doré n’est pas un endroit qui pose un gros problème, a indiqué le conseiller municipal. Il s’agit de végétation le long d’une clôture. Ça mérite probablement un changement réglementaire. »
Il dit avoir vu d’autres cas où la végétation se transpose dans la rue. Ce qui peut entraîner des enjeux de sécurité pour les piétons.
M. Corbeil affirme que le comité environnemental étudie beaucoup de plaintes. La ligne est toutefois mince entre ce qui est beau et ce qui ne l’est pas. «C’est difficile de qualifier l’esthétisme, fait-il savoir. Elle est là notre discussion. Semer des plantes indigènes plutôt que du gazon ne veut pas dire qu’on n’est pas obligé de faire l’entretien par contre. C’est arrivé que les travaux publics soient allés faire du ménage parce que les citoyens ne faisaient pas l’entretien malgré des avis.» Ici, il parle de cas extrêmes. 
Travailler pour le futur
Éric Corbeil dit que les questions de pelouses fleuries ou de végétalisation de terrain font partie des discussions partout au Québec. «On vit avec un urbanisme de la fin des années 1960», juge-t-il.
Maintenant que le couple Doré/McElreavy a reçu une contravention, le conseiller municipal est limité dans les actions présentes. Mais il peut agir pour le futur. «Il y a moyen de bien faire les choses, a-t-il avancé. Mais c’est une réflexion qui n’est pas si simple.»

Règlement de zonage Z-3001 – disposition 10.3.1 Entretien des terrains
Tout terrain, qu’il soit ou non construit, doit être entretenu, maintenu en bon état, exempt de broussailles ou de mauvaises herbes et exempt de tout amas de débris, matériaux, ferrailles ou autres. 
De même, il est obligatoire de gazonner la marge d’emprise de la voie publique adjacente au terrain; cet espace doit en tout temps être entretenu par le propriétaire ou l’occupant du terrain limitrophe.