Les femmes iraniennes à travers sa caméra

Certaines images laissent voir une lueur d’espoir pour les femmes, notamment chez les plus jeunes. (Photo Gracieuseté Mohamad Moheymani )
Arrivée au Québec il y a trois ans, la photographe Atefeh Arani capte en images la réalité des femmes iraniennes. Une œuvre qui nous rappelle qu’il reste encore beaucoup à faire dans le monde pour permettre aux femmes de vivre en toute liberté.
La journée du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, n’est pas célébrée officiellement en Iran, mais des activistes des droits des femmes et des groupes civils indépendants commémorent cette journée de manière informelle, confie celle qui vit à Salaberry-de-Valleyfield. «En raison des fortes restrictions sociales et politiques, ces cérémonies se déroulent généralement en cachette et sans publicité publique», dit-elle.
(Photo Gracieuseté Atefeh Arani)
Ces pressions sociales sont celles implantées depuis plus de 40 ans avec l’accession au pouvoir de la dictature islamiste. «En très peu de temps, un voile noir de censure a recouvert notre peuple et notre culture, effaçant progressivement l’identité iranienne aux yeux du monde. Mais ce sont surtout les femmes qui ont subi les conséquences de ce bouleversement».
Cette réalité se traduit de diverses façons dans leur quotidien : port du voile et du hijab obligatoire, discrimination de genre inscrites dans les lois, et surtout, un contrôle strict du corps et du comportement des femmes.
(Photo Gracieuseté Atefeh Arani)
«Même dans les grandes villes, la police surveillait constamment la tenue vestimentaire des femmes, raconte l’activiste. Il y a encore quelques années, pour aller nager sur une plage réservée aux femmes, il fallait passer un contrôle policier tenu par des agentes en tchador… mais le gouvernement iranien a fait un pas en arrière concernant le port obligatoire du hijab, ce qui constitue une victoire pour les femmes courageuses d’Iran.»
Pays de contrastes
Atefeh Arani raconte que l’enjeu s’avère encore présent dans les régions frontalières, notamment celles proches des pays arabes.
«Dans ces zones, où la religion et les superstitions se sont entremêlées, on trouve encore des pratiques barbares comme les féminicides et les mariages forcés. Les femmes y sont privées de leurs droits les plus fondamentaux… la voix des femmes est pratiquement inexistante», déplore-t-elle.
Atefeh Arani met à l’avant-scène ces femmes iraniennes dont les droits n’ont pas progressé au rythme occidental. (Photo Archives Mario Pitre)
C’est donc précisément sur cette réalité de la condition des femmes iraniennes que la photographe a voulu mettre le focus. Un travail photographique qu’elle a documenté bien avant le mouvement Femme, Vie, Liberté et l’assassinat de Mahsa Amini, pour avoir violé l’interdiction du port du voile.
Cette photo représente exactement la réalité des jeunes femmes iraniennes dans la société actuelle. (Photo Gracieuseté Atefeh Arani)
Malgré tout, il existe une lueur d’espoir dans le contexte qui prévaut actuellement en Iran. «Les femmes iraniennes vivent dans un espace contradictoire. D’un côté, elles font face à des lois restrictives comme le port obligatoire du voile, l’inégalité dans les droits liés au mariage et au divorce, et les crimes d’honneur. D’un autre côté, elles brisent les barrières avec détermination et audace, et elles progressent», observe-t-elle.
Par exemple, elle mentionne qu’aujourd’hui, à Téhéran et dans les grandes villes, de nombreuses femmes marchent dans la rue sans voile ou avec un hijab porté à leur manière. Une évolution timide qui l’incite néanmoins à garder un contact régulier avec ses proches.
«Après le décès de Mahsa Amini, malgré l’amour profond que j’ai pour l’Iran, j’ai décidé de quitter pour mener une vie normale au Canada. Cependant, l’Iran est toujours dans mon cœur et je voyage dans mon pays natal de temps en temps pour voir ma famille, mes amis. Je sens que l’Iran fait partie intégrante de mon être, mais le Canada et le Québec sont pour moi comme une mère qui prend son enfant dans ses bras et le protège.»