La santé mentale, ce dommage collatéral de la pandémie
Les Québécois conjuguent depuis bientôt deux ans avec la pandémie de Covid-19. La santé psychologique de bien des gens a été mise à mal avec des mois éprouvants où l’incertitude quant à la fin de cette crise demeure toujours incertaine. Le Soleil est allé à la rencontre d’organismes de Châteauguay œuvrant dans le domaine de la santé mentale afin de faire le point sur la situation.
Les organismes que le Journal a rencontrés sont formels sur un point; la pandémie de Covid-19 a causé une hausse de la détresse psychologique au sein de la population. L’augmentation des demandes pour les services de soutien en est la preuve.
Roxane Thibeault est directrice générale du Centre d'intervention de Crise et de prévention du suicide la Maison Sous les Arbres. L’organisme Châteauguois œuvre depuis 1983 dans la prévention du suicide et le soutien aux personnes à risque. Mme Thibeault, qui est aussi présidente du Regroupement des Services d'Intervention de Crise du Québec (RESICQ), a dénoté une hausse des demandes d’aide de l’ordre de 20 % pour l’ensemble du Québec.
« Oui, les appels pour de l’aide ont augmenté mais aussi l’intensité des crises selon les intervenants. Les gens vont moins bien et ils ont de la difficulté à mettre en place des moyens et des activités qui leur permettraient de garder un certain équilibre mental », signale-t-elle.
Est-ce que la pandémie a poussé plus de gens à commettre l’irréparable? La réponse est non selon Mme Thibeault, qui affirme que l'Association québécoise de prévention du suicide (AQPS) n’a pas remarqué une hausse du taux de suicide depuis.
Il faut savoir qu’en période de crise comme celle dans laquelle on se trouve en ce moment, les gens sont portés davantage à se mettre en mode survie, révèle-t-elle. Comme les tentatives de suicide ont souvent tendance à se manifester après les crises, il s’agit de faire de la prévention dès maintenant. À la Maison sous les arbres, 25 intervenants psychosociaux et professionnels sont assignés à cette tâche.
Une mise à l’épreuve
Marika Rein est coordinatrice en services aux usagés depuis 13 ans aux Toits d’Émile, un organisme châteauguois qui offre cinq logements en cohabitation à des personnes aux prises avec des troubles psychologiques. Des bénévoles et des spécialistes s’assurent que tout est sous contrôle par le biais de rencontres et d’activités qui ont lieu une à deux fois par semaine.
Avec l’apparition du virus en 2020, elle a noté une hausse de l’anxiété chez ses locataires. Ces derniers seraient devenus plus craintifs et avec les mesures, il est devenu plus compliqué pour eux de voir leur entourage.
« On manque aussi de bénévoles et d’employés, beaucoup ont décidé d’arrêter pendant la pandémie. Oui il y a la Covid, mais si on ne s’occupe pas de ces gens en difficultés, les choses vont empirer pour eux », s’inquiète Mme Rein.
Une fluctuation de la demande
L’Accolade Santé mentale à Châteauguay offre depuis 30 ans des services et du soutien aux membres de l’entourage d’une personne atteinte de maladie mentale. Gabrielle Brind’Amour, directrice générale de l’organisme, a remarqué que les demandes d’aide fluctuaient en fonction des vagues de la pandémie.
« Pendant le premier confinement, on avait très peu de demandes d’aide, car les gens n’étaient pas en contact avec leur entourage. Il était difficile pour eux de voir ce qui n’allait pas chez quelqu’un. En revanche, lors du déconfinement qui a suivi, les demandes de soutien et les requêtes à la cour ont vraiment augmenté puisque les gens devenaient témoins des dégâts causés par l’isolement sur leurs proches », résume Mme Brind’Amour.
Depuis deux ans, il n’y a donc rien de constant selon elle. Une chose est sûre toutefois; avec cette crise qui s’éternise, la fatigue pandémique peut se transformer chez certains en idées plus noires et en dépression.
Un soutien important
Danielle Cadotte est maintenant à la retraite. Depuis 8 ans, elle habite en colocation dans un vaste logement avec deux autres personnes sur la rue Reid à Châteauguay. Selon elle, Les Toits d’Émile l’ont beaucoup aidée sur le plan psychologique.
« J’étais en dépression et j’ai fait une tentative de suicide. Lorsque je suis arrivée ici, j’avais de nombreuses lacunes à cause de ma dépression, mais ils m’ont vraiment aidé. Le soutien émotionnel a été bien important. Marika et les bénévoles sont là pour nous aider à passer à travers tout ça et c’est grâce à eux qu’on peut s’en sortir peu à peu », a exprimé avec sincérité Mme Cadotte.
La crise du logement s’invite
La jeune retraitée n’est pas au bout de ses peines cependant. Elle devra, avec ses deux colocataires, quitter son logement au mois de juillet puisque que le propriétaire reprend possession des lieux. La crise du logement combinée aux troubles de santé mentale ne font pas bon ménage selon Marika Rein.
Cette dernière indique qu’ils ne trouvent rien d’autre en ce moment à un prix abordable, les loyers ont considérablement augmenté et c’est un gros défi pour eux de les reloger.
Mme Cadotte ne le cache pas, cette situation lui cause un grand stress qui s’ajoute à celui déjà occasionné par la pandémie. « C’est inquiétant vraiment de savoir que tu dois déménager mais tu ne sais pas où exactement », a-t-elle confié au journal.
Il est important d’aller chercher de l’aide lorsqu’on en ressent le besoin. N’hésitez pas à contacter les organismes ci-contre :
L’Accolade santé mentale : Centre d’intervention psychosociale (Téléphone : 450 699-7059 ou Sans frais au 1 866 699-7059)
La maison sous les arbres (Téléphone : 450-699-5935 ou 1-855-450-699-5935)
Les toits d’Émile (Téléphone : 450-699-9292)