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Histoire exceptionnelle : veiller sur Jean, au-delà du travail

le samedi 06 janvier 2024
Modifié à 10 h 23 min le 04 janvier 2024
Par Sylvain Daignault - Initiative de journalisme local

sdaignault@gravitemedia.com

L’agente Marylène Vandal pose fièrement en compagnie de Jean Godon. La policière et l’ancien itinérant ont tissé ensemble des lien de confiance. (Photo: gracieuseté)

Lucie Godon n’avait plus de nouvelles de son frère Jean depuis des mois quand, en septembre dernier, elle reçoit un appel de l’agente Marylène Vandal, du Service de police de l’agglomération de Longueuil. Comme elle le dit elle-même, son sang n’a fait qu’un tour. Mais au lieu d’une mauvaise nouvelle, c’est tout le contraire qui s’est produit.

«Je m’attendais vraiment à recevoir une mauvaise nouvelle. Que Jean fût blessé, ou pire, qu’il soit mort», laisse tomber Mme Godon encore secouée trois mois plus tard.

En fait, M. Godon, qui était en état d’itinérance à Longueuil depuis quelques mois, a eu la chance de rencontrer les agentes Marylène Vandal et Amélie Tapp, policières RÉSO (Réseau d’entraide sociale et organisationnel), respectivement dans les secteurs Édouard-Montpetit et Vieux-Boucherville.

Lucie Godon n’en revient tout simplement pas du travail accompli par l’agente Marylène Vandal et ses collègues qui ont permis à son frère de quitter la rue. (Photo: gracieuseté)

Grâce à elles, il a quitté la rue.

«Marylène m’a expliqué qu’elle avait pris mon frère sous son aile et, qu’avec l’aide d’une collègue, elle l’avait mis en contact avec l’équipe de proximité du CISSS de la Montérégie Est», relate Mme Godon.

Diplômé d’un cégep en électronique, Jean Godon a déjà occupé quelques emplois. Traumatisé crânien et ramasseur compulsif, l’homme de 59 ans a également eu un appartement. Mais ses ennuis de santé, mêlés à la consommation de drogue, l’ont conduit à l’aide sociale puis à la rue, raconte sa sœur d’un an son aînée. 

«Trois fois que je lui ai trouvé une chambre», affirme Mme Godon, qui prend également soin de sa mère vieillissante et de son époux qui vient de traverser deux cancers. 

Une rencontre
Les agentes Vandal et Tapp ont appris à connaître M. Godon au fil de leurs rencontres. «On recevait parfois des appels le concernant, raconte l’agente Vandal qui compte 29 ans de service. Avec le temps, un sentiment de confiance s’est installé.»

«C’est clair que Jean ne voulait pas passer l’hiver dehors. Il nous l’a dit à plusieurs reprises», ajoute l’agente Tapp, policière depuis 21 ans. 

Les deux policières ont contacté leur réseau, dont Anne Lussier, de l’organisme Les Ponts de l’Entraide à Boucherville. Mobilier, vêtements et nourriture ont été trouvés. 

De fil en aiguille, avec l’aide d’une intervenante de proximité au CISSS de la Montérégie-Est, M. Godon occupe aujourd’hui une chambre. Mais cela n’a pas été facile. «La première fois qu’on l’a amené à sa chambre, Jean avait incontestablement des réticences, raconte l’agente Vandal. Et il a préféré passer la nuit dehors.»

Les agentes Marylène Vandal (à gauche) et Amélie Tapp posent en compagnie d’Anne Lussier, de l’organisme Les Ponts de l’Entraide. (Photo: Le Courrier du Sud – Sylvain Daignault)

Comme l’explique l’intervenante de proximité, il s’agit d’une réaction bien normale. «Il faut aller à son rythme. L’usager est chef du bateau. Nous, on peut souffler dans ses voiles, mais c’est lui qui dirige. On se réajuste selon ce qu’il se passe, poursuit-elle. Leurs objectifs parfois ne sont pas les bons.»

«Il faut comprendre qu’on ne peut obliger une personne comme Jean à faire quelque chose. C’est une question de respect des droits», souligne l’agente Tapp. 

Mais avec de l’aide et de la supervision, M. Godon arrive maintenant à gérer son budget et à payer son loyer.  

@«Je ne savais pas que des policières pouvaient faire ça!»
@- Lucie Godon, sœur de Jean

Travail d’équipe
Agent relationniste au SPAL, François Boucher confirme qu’il existe une belle concertation à Longueuil. «Et ça fonctionne bien parce qu’il n’y a pas d’orgueil organisationnel.»

Exemple de cette collaboration, les policiers RÉSO et les intervenants de proximité ont sensibilisé les employés du Réseau de transport de Longueuil de même que ceux de l’Université de Sherbrooke à la réalité des personnes itinérantes, dont certaines s’abritent dans le métro ou le stationnement intérieur durant l’hiver afin de se réchauffer.

Policiers RÉSO
Instaurée en décembre 2021, l’approche RÉSO aide à défaire les préjugés envers les policiers. 

Le policier RÉSO est un agent qui patrouille à pied dans un secteur dédié. Il ne répond pas aux appels d’urgence, sauf exception, ce qui le rend plus accessible. Les citoyens peuvent l’interpeller et échanger sur des situations et des problématiques du voisinage.

Ce policier RÉSO travaille de jour ou de soir et certaines fins de semaine afin d’être disponible en tout temps. 

Le SPAL compte 21 policiers RÉSO divisés en cinq équipes.