Actualités
COVID-19
À la tête des soins intensifs de l’Hôpital Charles-Le Moyne
le dimanche 21 février 2021
Modifié à 10 h 35 min le 22 février 2021
En tant que chef du Service des soins intensifs de l’Hôpital Charles-Le Moyne, à Longueuil, le Dr Germain Poirier est en charge de l’étage où sont traités les patients les plus malades, ceux qui se trouvent entre la vie et la mort. Portrait d’un Candiacois à la fois passionné et fatigué, mais loin d’être abattu par la crise.
Les soins intensifs, «c’est le cœur de l’hôpital», dit le Dr Poirier, qui y travaille depuis 20 ans. C’est le côté touche-à-tout de cette spécialité qui l’a d’abord attiré.
«Le cardiologue va juste regarder le cœur, le pneumologue le poumon, le gastro-entérologue le système gastro-intestinal… Ce sont des spécialités verticales. Aux soins intensifs, on traite toutes sortes de pathologies, explique-t-il. On offre des soins à des gens dans des situations complexes, tendues.»
Son travail l’amène à composer avec l’adrénaline au quotidien. Pandémie ou pas, les décès sont chose courante aux soins intensifs.
«Un de nos mandats est d’accompagner les gens qu’on ne sera pas capable de sauver pour s’assurer qu’ils auront droit au soulagement et à la dignité de finir leur vie dans les conditions les plus humaines possible», fait savoir le médecin.
Des échappatoires
Confronté à des situations difficiles, le Dr Poirier s’est forgé une carapace au fil des années.
«On a pas le choix de se protéger, soutient-il. C’est sûr qu’il y a des choses qui viennent nous chercher davantage. Quand ce sont des jeunes, c’est plus difficile. On a tous des enfants. On peut presque dire: ça pourrait être ma fille.»
Le secret est d’avoir des «échappatoires», de quoi se changer les idées, confie le Candiacois de 48 ans.
«On se protège en en parlant, en faisant autre chose que juste de la médecine, dit-il. Quand on arrive chez nous le soir, comme tout le monde, on aime bien écouter Netflix, faire de la musique, du ski…»
En mode résilience
En plus d’être chef du Service des soins intensifs, le Dr Germain Poirier est président de la Société des intensivistes du Québec, professeur adjoint de médecine et de soins intensifs à l’Université de Sherbrooke et membre de deux comités ministériels. Occupé, vous dites? Imaginez depuis un an. À son arrivée en mars 2020, la pandémie a provoqué une espèce de fébrilité et d’effervescence dans les centres hospitaliers de la province, se souvient-il.
«C’était tout nouveau, c’était dangereux, on ne savait pas dans quoi on s’embarquait, relate-t-il. Il fallait tout recommencer à zéro dans certains coins de l’Hôpital. Ici, on a fait un étage de soins intensifs juste pour les cas de COVID. Il fallait tout repenser: comment on allait structurer ça, s’habiller, ne pas se contaminer…»
Après une accalmie pendant l’été, la pandémie est revenue en force à l’automne. Les travailleurs de la santé se demandaient alors combien de temps durerait cette deuxième vague: deux, trois mois, peut-être?
«Quand on s’est aperçu que ça ne se calmait pas, on s’est demandé combien de temps on allait être pris là-dedans. Encore aujourd’hui, on ne voit pas le bout du tunnel comme on aimerait le voir», laisse entendre le Candiacois.
À l’Hôpital Charles-Lemoyne, les travailleurs de la santé sont en «mode résilience».
«On serait prêts à passer à autre chose. Un an, c’est correct, on y a goûté», lance-t-il.
«On est résilients là-dedans. On se dit que c’est en nous que la population a confiance, donc on va être là pour elle.» -Dr Germain Poirier«J’ai choisi de faire ça» [caption id="attachment_104147" align="alignright" width="345"] Les soins intensifs de l'Hôpital Charles-Le Moyne (Photo gracieuseté)[/caption] Le plus difficile pour le Dr Germain Poirier aura été de voir des gens mourir seuls, surtout dans les premiers mois de la pandémie. «Les gens mouraient par Facetime, relate-t-il. On mettait la tablette et on leur montrait leur proche en train de mourir. C’était un peu surréaliste. Tu te dis: je comprends qu’on est technologiques en 2020, mais de dire qu’on voit la mort en direct et que tu ne peux même pas tenir la main de ta mère, ton père ou ton enfant…» Père de deux adolescentes de 14 et 16 ans, le Dr Poirier doit sauter dans la douche chaque fois qu’il revient de l’Hôpital, afin de ne pas contaminer sa famille. Bien qu’il ne cache pas qu’il soit fatigué, le chef se considère «chanceux d’avoir pu garder un emploi. Même si je fais plus d’heures, je sais que c’est temporaire. Je suis capable d’avaler la pilule, je ne peux pas me plaindre sur mon sort. J’ai choisi de faire ça et je vais être au front». «Ce ne sont pas des mannequins» La COVID-19, que le Dr Germain Poirier côtoie au quotidien, est comme une épée de Damoclès qui peut tomber n’importe quand, image-t-il. «J’ai vu des gens plus jeunes que moi décéder. On en a eu dans la trentaine, la quarantaine. Ce ne sont pas des farces. Ce n’étaient pas des mannequins ni des acteurs. Ce sont de vraies personnes. Les anti-masques qui ne croient pas à ça, j’aurais bien aimé ça qu’ils soient à côté de moi.» Selon lui, «ceux qui sont capables de respecter les contraintes socio sanitaires qu’on impose actuellement» sont les autres héros de cette pandémie.