Expropriation déguisée dans le Corridor vert : des propriétaires de Léry déboutés en Cour
Des propriétaires de deux terrains dans le Corridor vert à Léry s’étaient adressés à la Cour supérieure du Québec puisqu’ils considéraient avoir été l’objet d’expropriation déguisée en raison de changements de réglementation dans le secteur au fil des ans. La juge Catherine Piché a rejeté leur demande le 19 octobre en justifiant notamment qu’il est toujours possible de développer ces terrains, bien que les règles aient été resserrées.
Claude Sauvé, Jocelyne Sauvé (aujourd’hui décédée) et Huguette Sauvé sont propriétaires d’un lot boisé à Léry. Leur ami Jean-Guy David possède aussi un terrain dans le même secteur. «Les lots sont rectangulaires et de dimension étroite, de telle sorte qu’il n’est pas facile de les développer», selon ce qu’explique l’experte urbaniste Marie-Claude Aubin lors d’une audience à la Cour. Ils ne sont pas accessibles par voie publique et n’ont ni service d’aqueduc ni service d’électricité, peut-on lire dans le jugement.
Avant le changement de réglementation, les terrains de ces citoyens étaient situés dans une zone à usage résidentiel, ce qui veut dire que le développement résidentiel était autorisé avec certaines restrictions. À compter de 2016, la MRC de Roussillon et la Ville de Léry ont modifié leur règlement de zonage pour y intégrer une zone faisant partie intégrante d’un « territoire d’intérêt faunique et floristique», soit ce qu’on appelle le Corridor vert Châteauguay-Léry.
Les demandeurs ont intenté un recours en expropriation déguisée contre la Ville de Léry et la MRC de Roussillon en 2020. Ils le modifient en 2021 et réclament 3,1 M$ à titre d’indemnité pour expropriation déguisée.
Développement possible, mais restreint
« Selon les demandeurs, le règlement de zonage et la Grille restreignent tellement les possibilités d’usage résidentiel des terrains qu’ils ne peuvent ni utiliser ni développer leurs terrains et sont contraints, sans être compensés, de conserver ceux-ci à l'état naturel ou de les rendre disponibles pour des usages à caractère public au bénéfice de la collectivité́», écrit la juge Catherine Piché dans sa décision.
La magistrate a rejeté cet argument puisque la nouvelle réglementation n’interdit pas complètement le développement.
Elle considère que les usages permis «étaient suffisants pour permettre une utilisation raisonnable des terrains». Dans ce secteur, la réglementation prévoit notamment que 55 % des terrains doivent demeurer intacts. Le développement est autorisé sur le 45 % restant d’un lot en respectant une densité maximale de 0,5 logement par hectare. La construction à plus grande densité, pour un maximum de 14 logements par hectare, est aussi autorisée sur 30 % d’un terrain, à condition de déposer un plan d’implantation et d’intégration architecturale à la Ville.
«La présence de boisés et de milieux humides dans le Corridor et sur les terrains en cause est l’une des considérations raisonnables que doit prendre en compte la Ville lorsqu’elle adopte sa réglementation, lit-on dans le jugement. L’acte municipal d’adoption d’un tel cadre réglementaire rétablit l’équilibre fragile entre les intérêts privé et public, n’engendrant ni stérilisation du droit de propriété, ni appropriation des terrains, ni suppression de quelque usage raisonnable des terrains.»