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Garderies: Entre 4 000 et 10 000 places à combler en Montérégie

le mercredi 25 août 2021
Modifié à 0 h 00 min le 21 août 2021
Par Michel Hersir

mhersir@gravitemedia.com

Les listes d’attente dans certains CPE contiennent plus de 1000 noms. (Photo: Le Soleil de Châteauguay - Archives)

Trouver une place en garderie est un calvaire pour plusieurs parents au Québec. En Montérégie, plus de 10 000 enfants étaient en attente d’une place au guichet unique de la Place 0-5 en date du 31 décembre 2020. Selon les données du gouvernement, le nombre réel de places manquantes dans la région se situerait plutôt autour de 4 000. Tous les acteurs du milieu l’admettent : un changement est nécessaire à l’aube d’une refonte gouvernementale qui devrait se manifester à la rentrée scolaire.

Pour tous les parents qui désirent obtenir une place pour leur enfant en Centre de la petite enfance (CPE), les espoirs sont minces.

Au CPE Les Lutins, à Châteauguay, la liste d’attente est d’environ 1000 noms alors que l’installation offre 64 places pour le moment. Le gouvernement a autorisé un projet de construction d’une nouvelle installation qui permettra d’ajouter 64 places. «Nous aurons  64 places alors qu’on avait fait la demande pour 80 places, souligne Élodie Gaucher, directrice du CPE. Je reçois 5 à 10 appels par jour de parents pour des places que je n’ai pas».

Le projet d’agrandissement est au stade des plans préliminaires. « Le gouvernement aimerait bien que ce soit complété avant les élections de 2022, mentionne-t-elle. Pour ma part, ça fait huit ans que j’attends alors on verra quand on aura complété toutes les étapes.»

Le CPE Tam-Tam à Châteauguay a aussi eu le feu vert pour construite une nouvelle installation qui accueillera 80 enfants supplémentaires. En mai, le CPE estimait que le bâtiment serait complété au printemps 2022.

Des places à créer et des anges gardiens à valoriser

Si les besoins de places en garderie sont rendus aussi importants, selon Marie-Claude Sévigny, directrice générale de la Coopérative Enfance Famille, qui gère notamment la Place 0-5, c’est le résultat de décisions politiques passées.

«Je travaille ici depuis 12 ans et on n’a jamais réussi à développer suffisamment de places, estime-t-elle. Ce sont vraiment les choix politiques du passé qui expliquent les manques d’aujourd’hui. Les investissements et les efforts pour développer des places n’étaient pas là pour encadrer un réseau qui doit, et qui devait, répondre aux besoins des parents.»

À la Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ), on souligne également que le manque de valorisation de la profession d’éducatrice a joué un rôle majeur et qu’il est impossible de séparer la pénurie de main-d’œuvre et le manque de place. 

Selon le syndicat, on prévoit manquer 15 000 éducatrices dans le réseau d’ici 2024.

«La pandémie a vraiment mis en lumière cette situation, indique Nancy Gélinas, vice-présidente de la FIPEQ-CSQ. Les éducatrices sont épuisées, plusieurs n’ont pas pu prendre de congé ou de vacances. On l’a soulevé maintes fois dans le passé qu’on s’en allait vers une pénurie de main-d’œuvre, et là on voit un exode des éducatrices vers d’autres professions.»

Mme Gaucher en subit les conséquences dans son CPE de Châteauguay.  «Avec tous les congés de maladie, les vacances, les congé de maternité je n’arrive pas à trouver suffisamment de remplaçantes», explique-t-elle. Elle doit continuellement revoir ses groupes et parfois même refuser des enfants inscrits au CPE puisqu’il manque d’éducatrice.

«Tant qu’il n’y aura pas une revalorisation salariale de la profession, je ne suis pas très optimiste que la situation s’améliorera», confie-t-elle.

Une refonte attendue

Le ministre de la Famille Mathieu Lacombe admet qu’un changement est nécessaire. «Ça ne fonctionne pas, nous devons trouver un nouveau moyen de faire les choses», avait-il déclaré en février dernier. 

Le gouvernement du Québec prévoit d’ailleurs déposer un plan détaillé à la rentrée scolaire, après avoir rencontré les acteurs du milieu à travers des consultations publiques en mai et juin. 

Pour sa part, le gouvernement fédéral a annoncé le 5 août un transfert de près de six milliards répartis sur les cinq prochaines années, qui servira notamment «à renforcer le réseau des services de garde éducatifs à l'enfance du Québec et à l'amélioration des conditions de travail des éducatrices».

Ces changements sont accueillis avec un optimisme prudent dans le milieu. Pour la FIPEQ, les investissements doivent aider les éducatrices immédiatement et valoriser le métier. 

«S’il n’y a pas d’éducatrices pour aller dans les bâtiments que M. Legault va faire construire, à quoi ça avance?» s’interroge Nancy Gélinas.

L’équilibre entre le développement de places et le nombre d’employés est également soulevé par Marie-Claude Sévigny, qui espère un rôle accru pour la Place 0-5, et Claudia Beaudin, qui aimerait que le déficit des places soit calculé différemment. 

À cet égard, Mme Beaudin se désole que l’appel d’offres en janvier dernier n’ait inclut aucune place dans sa circonscription, malgré l’énorme liste d’attente pour son établissement.

 

Des dizaines et des dizaines d'appels

La Châteauguoise Caroline Imbeault Lemon fait partie des parents qui se sont cassés la tête dans l’espoir de trouver une garderie pour son enfant. Elle vient tout juste de se faire confirmer une place en septembre dans un milieu familial privé pour sa fille aujourd’hui âgée de 15 mois.

La mère indique avoir ouvert un dossier à la Place 0-5 alors qu’elle était enceinte de trois mois et avoir effectué de nombreux appels infructueux dans des milieux familiaux.

«Dans la dernière année, j’ai fait plus de six appels par jour pour des garderies en milieu familial, indique-t-elle. Soit ils n’ont pas de place, soit ils priorisent la fratrie. Mais encore, on m’a assuré une place pour ma fille à plusieurs reprises sans faire de suivi, et quand je les rappelais, on me disait : "désolé, on a choisi un autre enfant".»

«Je ne me fie plus à la Place 0-5, ajoute-t-elle. J’ai perdu espoir, je suis découragée.» Ayant vécu de nombreuses déceptions pendant ses recherches, la maman attendra un certain temps avant d’entamer des recherches pour un travail, par crainte que ça ne fonctionne pas dans le milieu de garde qu’elle a trouvé.

Mme Imbeault Lemon mentionne par ailleurs que la situation est similaire pour les parents dans son entourage. Elle évoque le sort d’une de ses amies qui a perdu la place de ses deux enfants lorsque la garderie en milieu familial qu’ils fréquentaient a fermé.

«Elle était prise à faire des recherches pour ses deux enfants tous les soirs pendant des heures. En fin de compte, un enfant va chez la voisine, l’autre dans une garderie à l’autre bout de la ville, relate-t-elle. Ils prennent ce qui passe et l’inquiétude et le stress qui viennent avec.»

Préférant éviter d’émettre des suggestions ou recommandations quant à la façon de résoudre ces enjeux, alors qu’elle ne travaille pas dans le milieu des garderies, la maman croit qu’une aide financière devrait être accessible pour les parents qui n’ont qu'un seul salaire.

«Ça fait deux ans que je ne travaille pas. On vit sur un salaire avec toutes nos factures à payer», illustre-t-elle.

(Avec la collaboration de Valérie Lessard)

La Montérégie en chiffres

69% : portion de la demande actuelle qui peut être comblée, selon la FIPEQ
10 082 : nombre d’enfants en attente au guichet unique au 31 décembre 2020
88% : pourcentage des places de tous types de garderies qui sont occupées
95% : pourcentage des places en CPE qui sont occupées
52 698 : offre de places en 2020
56 664 : demande de places en 2020
3 966 : places manquantes, selon les chiffres du ministère de la Famille
1 336 : places manquantes en 2023, selon les prévisions du Ministère