Actualités

Emprise fleurie à Châteauguay : suivre le règlement municipal ou la Loi sur les espèces en péril ?

Il y a 8 heures
Modifié à
Par Eric Tremblay

etremblay@gravitemedia.com

Le couple de la rue Prince a reçu un avis du huissier à propos de leur emprise municipale fleurie. Or, on y retrouverait des espèces menacées par la Loi. (Photo Le Soleil : Eric Tremblay)

Kathryn Doré et Kevin McElreavy se retrouvent à nouveau en litige avec la Ville de Châteauguay. Celle-ci leur a fait parvenir un avis d’huissier pour couper les herbes hautes qui poussent dans son emprise municipale. Or, on y retrouverait de l’asclépiade tubéreuse et de l’aubépine à ergot de coq, deux espaces menacées de disparition. Le couple aux valeurs environnementales élevées se retrouve entre l’arbre et l’écorce. 

L’avis a été reçu par les résidents de la rue Prince quelques jours seulement après une consultation citoyenne sur l’élaboration du plan de transition écologique organisé par la Ville. Le couple était présent et a notamment participé aux discussions sur la naturalisation des espaces pour la gestion des eaux. 

«J’en perds mon latin, a signifié M. McElreavy. Il existe une déconnexion incroyable entre le discours de la Ville et ses actions. Je suis subjugué de recevoir ce nouvel avis.»

Il ajoute avoir écrit au ministère de l’Environnement afin de recevoir leur soutien. «Je me demande si je dois suivre la réglementation municipale ou la Loi sur les espèces menacées, poursuit M. McElreavy. Ma conscience me dit de suivre la Loi.»

Sa conjointe et lui sont connus malgré eux à Châteauguay. Ils mènent un combat pour la biodiversité. Leur emprise municipale fleurie a été punie d’une amende de 430 $ l’an dernier. Que le couple a ultimement acquitté cet été.

«On en revient à se demander ce que l’on juge : l’esthétisme ou la nuisance, soutient le citoyen. La réalité est que si on devait mettre à l’amende chaque parcelle de terrain où il y a des herbes hautes, on n’aurait pas fini. À Châteauguay, la réglementation parle d’emprise gazonnée. Il y en a où on retrouve des haies de cèdres qui dépassent 1,5 m.» 

La réglementation en place

La Ville n’a pas indiqué au Soleil le nombre de plaintes reçues envers l’emprise fleurie du couple McElreavy/Doré.

Toutefois, elle réitère sa réglementation municipale. « La portion de terrain comprise dans l’emprise municipale n’appartient pas aux propriétaires du terrain limitrophe à l’emprise, mais à la Ville de Châteauguay, a indiqué Éric Laparé, conseiller en communications à la Ville. Il importe toutefois aux propriétaires d’entretenir l’emprise.»

L’article 10.1.3 du règlement de zonage stipule qu’il est obligatoire de gazonner la marge et de l’entretenir. 

Un deuxième article, compris dans la règlement pénal général, rend illégal le fait de faire pousser des herbes/herbages d’une hauteur égale ou supérieure à 30 cm, lorsque le terrain est situé à moins de 50 m d’un bâtiment.

Cette règlementation en vigueur continue de s’appliquer d’ici à l’adoption d’une mise à jour. 

«Le comité Environnement souhaite se pencher sur la question de la réglementation des emprises municipales et des discussions en ce sens ont déjà été entamées, assure M. Laparé. D’ailleurs, ce dossier cadre parfaitement dans le projet de refonte et de modernisation de la réglementation municipale que la Ville a amorcé cette année. Les citoyennes et citoyens seront appelés à être consultés prochainement et pourront soumettre les sujets de leur choix, incluant la réglementation applicable aux emprises municipales.»

De la parole aux actes

Kevin McElreavy dit avoir apprécié la rencontre citoyenne tenue le 30 septembre. Il a souligné les bons coups abordés. «On a de beaux projets et il faut grandir de ça», a-t-il évoqué.

Kathryn Doré et Kevin McElreavy sont engagés pour la protection de la biodiversité. (Photo Le Soleil : archives Denis Germain)

Il espère que celle-ci soit le tremplin requis pour que Châteauguay passe de la parole aux actes. «C’est rendu au niveau politique, poursuit-il. Comme si on le faisait du bout des lèvres, par exemple les jardins en devanture permis, mais pas dans l’emprise. Ça dérange quoi ? Quant à la gestion de l’eau, si on veut vraiment être sérieux, il faut aménager nos terrains. La réglementation doit se mettre en place. »

Malgré tout, il dit avoir apprécié ses échanges avec Marilyne Robidoux, la conseillère en environnement embauchée par la Ville. «Elle a une belle vision du Châteauguay de demain», a-t-il affirmé.

Trois thématiques ont été abordées le 30 septembre. La Ville de Châteauguay compile et consolide les réponses obtenues actuellement. 

Laisser la nature faire sa place

L’asclépiade tubéreuse est une espèce désignée menacée depuis 2005. Elle fait partie des espèces menacées ou vulnérables, protégées par une loi depuis 2005. L’aubépine à ergot de coq est également une espèce menacée. Elle serait répertoriée seulement à deux endroits au Québec : sur l’île d’Aloigny à Salaberry-de-Valleyfield et dans le secteur Châteauguay-Léry.

Si le couple ne coupe pas les herbes jugées hautes de l’emprise municipale d’ici au 1er novembre, la Ville va procéder aux travaux et lui refiler la facture.

Cette date procure cependant une marge de manœuvre au couple. «Il n’y a plus grand-chose qui pousse après cette date, a confié Kevin McElreavy. On va laisser le plus possible les plantes terminer leur cycle. Elles pourront déposer leurs graines pour fleurir à nouveau éventuellement.»

L’Université du Kansas a récemment souligné les efforts du couple châteauguois. Elle a fait parvenir une affiche qui confirme l’adhésion à un programme de surveillance des papillons monarques. 

Le Châteauguois ajoute apercevoir plusieurs sortes d’abeilles dans son emprise. Il a aussi noté le retour des lucioles. La biodiversité s’installe. «C’est pour moi que je le fais [mettre de l’avant ses valeurs écologiques], mais surtout pour nos enfants, explique-t-il. J’en ai six et je veux leur laisser une planète en santé. Chaque geste, même petit, compte.»

La portion de terrain correspond aux critères qui créent, conservent et protègent les papillons monarques selon l'Université du Kansas. (Photo : gracieuseté)