Deuil périnatal : maman sans enfant
Tous les soirs, avant d’aller se coucher, Mélanie Fichault dit à son garçon : «bonne nuit mon gars, maman t’aime!» Elle touche l’urne en forme de papillon blanc et pense à son petit Gabriel qu’elle n’aura jamais la chance de voir grandir, puisqu’il est parti alors qu’elle était à 21 semaines de grossesse.
La Merciéroise fait partie de ces femmes qu’on appelle parfois des «mamanges», un mot pour désigner les femmes qui ont perdu un enfant durant la grossesse ou peu de temps après la naissance.
Celle qui travaille dans le domaine de la publicité a toujours su qu’elle voulait devenir maman. «Je suis une enfant adoptée, j’ai été dans un foyer d’accueil. C’était hyper important pour moi de fonder ma famille. Je voulais avoir ce que je n’avais pas eu, je voulais le redonner à mon enfant», raconte-t-elle en entrevue. C’est à la fin de la trentaine qu’elle a rencontré Jean-Sébastien, l’homme avec qui elle voulait concrétiser son rêve, lui qui est déjà père d’un enfant.
Mélanie Fichault tombe enceinte une première fois. Elle passe le cap des 13 semaines et se rend chez le médecin pour un suivi. Malheureusement, on n’entend pas le cœur du bébé; elle fait une fausse couche. «Une première claque au visage» pour le couple.
«On part toujours avec ses idées préconçues que c’est facile de faire un bébé, qu’on a juste à attendre les trois premiers mois et après ça, tout va bien! Illustre Mme Fichault. Mais la réalité, ce n’est pas ça. Il peut arriver des complications à tout moment.»
Le couple attend six mois avant de s’essayer à nouveau, le temps de guérir le corps et la tête de cette première épreuve. Mélanie Fichault tombe à nouveau enceinte, mais elle n’ose pas se réjouir trop vite. La Merciéroise perd ce nouveau bébé à sept semaines de grossesse. «Ça été difficile parce que ça a pris une semaine avant qu’on me l’enlève dans le ventre. Autant tu peux l’aimer cet être-là autant que tu as le goût de l’enlever à l’intérieur de toi», exprime-t-elle.
Encore une fois le couple prend le temps qu’il faut avant d’essayer à nouveau de concevoir un bébé. «À ce moment-là j’étais complètement freak, je lisais tout pour être certaine de tout faire correctement», se rappelle-t-elle. Pour une troisième fois, elle voit apparaître les fameuses deux petites lignes sur le test de grossesse. Son médecin la suit rigoureusement, elle qui a franchi le cap de la quarantaine. Elle cumule les semaines de grossesse et s’accroche chaque fois à ces petites victoires qui la rapprochent tranquillement de l’accouchement.
Tout bascule
Le 2 février 2019, alors qu’elle est à 21 semaines de grossesse, qu’elle sait qu’elle porte un petit garçon dans son ventre, Mélanie Fichault commence à avoir des contractions. Inquiète, elle suit d’abord les recommandations de l’infirmière du 811, mais son instinct féminin lui dit de se rendre au Pavillon de naissances de l’Hôpital Anna-Laberge à Châteauguay. Si au départ les résultats des premiers tests semblent positifs, cela dégénérera rapidement. «Ça prend une fraction de seconde pour qu’un drame arrive dans ta vie et que tout change de bord», dit-elle.
Mme Fichault se met à perdre du sang en quantité importante et les médecins lui annoncent que son bébé a 5 % de chance de survie, mais que sa vie à elle aussi est en danger. Elle sera opérée d’urgence. Elle raconte qu’elle était complètement hystérique à son réveil et réclamait de voir son enfant.
«Mon médecin m’a montré une photo de Gabriel. Ça m’a fait du bien, mais à ce jour, je pense que si j’avais pu le prendre dans mes bras et passer un moment avec lui et le bercer, ça m’aurait fait extrêmement du bien et peut-être que ça m’aurait permis de guérir une autre petite partie de moi», exprime la maman.
Elle se rappelle du moment où ils ont dû signer à la fois l’acte de naissance et l’acte de décès. «Il faut aussi que tu disposes du corps de ton enfant sinon c’est l’État qui va s’en occuper et tu ne sais pas où il va aller», explique-t-elle. Dévasté par la situation, le couple demande l’aide d’amis pour gérer cette portion difficile. Le petit Gabriel aura droit à une célébration de la vie, à laquelle assistent des proches de Mélanie et Jean-Sébastien.
Mélanie Fichault tient l'urne de son fils dans ses mains. (Photo : Le Soleil - Denis Germain)
Deuils multiples
Les jours, semaines et mois qui suivent seront extrêmement difficiles pour Mélanie Fichault, qui sombrera dans une dépression. Ayant eu très peur de perdre son amoureuse, son conjoint lui annonce qu’il ne veut plus essayer d’avoir d’autres enfants. «On parle du deuil de la maternité, mais il y a plein de deuils cachés derrière ça. Il y a le deuil de la femme : tu n’es pas capable de fabriquer un enfant, ça touche le pouvoir féminin si on veut», mentionne Mme Fichault. Elle évoque aussi le deuil du plan de vie. «Quand on est petite, ado, jeune femme, on se projette dans le futur, on se voit avec une famille, avec une maison. Je suis une maman, mais je n’ai pas d’enfant à éduquer.»
Si elle est capable d’en parler sereinement cinq ans plus tard, c’est qu’elle a fait un grand cheminement personnel, qu’elle s’est entourée et qu’elle souhaite que ce type d’histoire soit davantage raconté pour que ce soit moins tabou.
Le couple a reçu une empreinte de pied et de main du bébé. (photo : Le Soleil - Valérie Lessard)
Elle caresse le rêve de créer des ateliers ou un espace où des femmes qui ont vécu un tel drame et qui ne deviendront plus mamans pourraient venir s’apaiser. Et tout l’amour qu’elle avait à donner, Mélanie Fichault le partage à son Jean-Sébastien, à son beau-fils, ses animaux et ses proches.
Quelques chiffres
Au cours des 20 premières semaines de grossesse, le risque d’avortement spontané ou fausse couche est de 15 à 20 %. Après la 20e semaine de grossesse, la probabilité chute à 4 décès sur 1000 naissances et à 3 décès dans le premier mois de vie pour 1000 naissances, selon les données de l’Institut national de santé publique du Québec.
Quoi faire pour aider des couples endeuillés ?
Mélanie Fichault propose quelques pistes à ceux qui souhaitent accompagner des proches dans cette épreuve.
«Une des premières choses que je dis : apportez des repas ou offrez un service de repas traiteur au couple. La dernière chose qu’on a envie de faire, c’est de se faire à manger.»
«Ne leur demande pas : comment ça va. C’est sûr qu’ils vont mal. Essayez plutôt une formule du genre : est-ce que tu as besoin de quelque chose, sache que je suis là pour toi.»
«Il faut aller chercher de l’aide et du soutien professionnel, selon moi. Et se donner du temps.»
Dossier Mère au pluriel
Maman enfin! - Les deuils qui se succèdent. Les émotions en montagnes russes. Les peines et les espoirs qui renaissent chaque mois. Puis un jour, on vous annonce que ça a marché, enfin! Une victoire après de nombreux essais. Un petit bébé miracle, grâce à la science, naîtra. Quand vouloir donner la vie devient le défi d’une vie. C’est ce qu’a vécu la Boucherviloise Marie-Ève Lebrun, et combien d’autres femmes.
(Photo gracieuseté)
Le quotidien bien rempli d’une mère de six enfants - Avec six enfants âgés entre 6 mois à 11 ans – l’équivalent de l’alignement d’une équipe de hockey sur la glace, en comptant le gardien – Stéphanie Dugas et Brian Demariano ont un quotidien fort occupé et des journées bien remplies.
(Photo: Le Courrier du Sud - Sylvain Daignault)
Solo-maman, un choix assumé pour Mélanie Tremblay - La solo-maternité est devenue un choix de plus en plus fréquent dans la société. Toujours célibataire, c’est à l’âge de 40 ans que Mélanie Tremblay a décidé, de façon pleinement assumée, de combler son désir de maternité en optant pour cette solution.
(Photo: Journal Saint-François - Mario Pitre)
Jeune maman et élue municipale - Être maman et conseillère municipale peut paraître difficilement conciliable, mais pas pour Mélanie Roldan qui jongle bien avec les deux rôles. La conseillère de Candiac, qui est accompagnée de sa fille de 3 mois lors des séances du conseil municipal, prouve qu’une conciliation travail-famille peut aussi exister en politique.
(Photo: Le Reflet - Denis Germain)