Déneigement à Châteauguay : le privé se dit victime d’intimidation

Le soufflage de la neige est assuré par les cols bleus. La Ville avait sollicité l'aide du privé pour avoir davantage de camions de chargement. (Photo : Le Soleil - Denis Germain)
Des chauffeurs de camions privés demandés en renfort pour l’opération de déneigement à Châteauguay ne veulent plus travailler sur le territoire, disant avoir été victimes d’intimidation de la part des cols bleus de la Municipalité. La Ville dénonce les agissements de ses employés qui ralentissent les opérations de soufflage de la neige. Le syndicat, pour sa part, affirme que les camionneurs artisans étaient mécontents d’une décision de la Ville.
«Ça fait 15 ans que je suis dans le métier, je n’ai jamais vu ça de ma vie», exprime Bruno Connolly, directeur de poste de courtage de Transport en vrac Beauharnois-Salaberry. Cet organisme sans but lucratif a été mandaté par la Ville de Châteauguay pour trouver une quinzaine de camions pour charger la neige plus rapidement. Cette décision de la Ville avait été décriée par le syndicat des cols bleus dès son annonce.
En début de semaine, lorsque les camions artisans sont arrivés à Châteauguay, les conducteurs ont senti dès le départ qu’ils n’étaient pas les bienvenus, selon Transport en vrac Beauharnois-Salaberry. «Ils se sont tous faits dire qu’ils ne se feront pas charger, de s’en retourner chez eux», relate M. Connolly.
Les camions des cols bleus frôlaient ceux du privé. «Mes gars ne sortaient même pas de leur truck parce qu’ils avaient peur de se faire frapper», indique le directeur, soulignant que les camionneurs ne faisaient plus confiance au souffleur et craignaient que la neige soit envoyée directement sur le camion.
La Ville dit avoir reçu des plaintes de «blocage et ralentissement des convois, d’intimidations, de manœuvres dangereuses et d’excès de vitesse» de la part des cols bleus.
Dans la nuit du 25 février, le Service de police de Châteauguay a été appelé à intervenir en lien avec les opérations de déneigement. Aucune arrestation n’a eu lieu jusqu’à maintenant et l’enquête suit son cours, selon l’agente aux relations médias du service de police Erika Grondin.
Le syndicat se défend
Le syndicat SCFP, qui représente les cols bleus de Châteauguay, affirme pour sa part qu’il y avait des mécontents autant du côté des employés municipaux que du privé lors de cette opération de déneigement. «Ce qu’on m’a dit c’est que la Ville avait pris la décision de prioriser les camions de la Ville pour le chargement de la neige et que les camions artisans étaient mécontents de ça», mentionne le conseiller syndical, Stéphane Paré, qui agit à titre de porte-parole du syndicat local.
«C’est sûr qu’il y a eu des commentaires, mais de là à dire que c’est de l’intimidation je ne suis pas prêt à dire ça», poursuit-il.
Quant aux allégations visant à frôler les camions, M. Paré répond : « les artisans se plaçaient dans le milieu de la rue sans dossard, pour mettre mal à l’aise les cols bleus. Ça devient une game de qui a fait quoi».
«C’est inacceptable!»
«C’est absolument inacceptable, et ce sont les citoyens les premiers touchés par la situation. Tout ce que nous voulons, c’est accélérer les opérations de déneigement pour assurer la sécurité de nos citoyens, et ce sont nos propres employés qui nous en empêchent!» a réagi le maire Éric Allard.
Le directeur général Me Karl Sacha Langlois a également déploré la situation et mentionne que des enquêtes sont en cours et que «des interventions seront assurément portées sur les fautifs».
En raison des agissements des employés municipaux, les camionneurs artisans ont fait savoir qu’ils ne veulent pas revenir sur le territoire à moins que des solutions soient apportées pour diminuer la tension.
La Ville dit avoir eu des discussions avec le syndicat à ce sujet mardi et avoir notamment proposé des réaménagements d’horaire pour terminer le travail sans devoir recourir à des sous-traitants, mais les deux parties ne s’entendent pas. «Le syndicat a refusé l’offre, demandant le retrait définitif de la clause permettant à la Ville de s’adjoindre les services de tiers pour le transport de la neige», fait savoir Caroline Dumouchel, directrice générale adjointe et directrice des ressources humaines.
M. Paré rétorque pour sa part que le syndicat n’a pas accepté la condition de la Ville qui précisait ne pas être obligée de retenir des solutions proposées par le syndicat. «C’est contraire à la convention collective», affirme-t-il. Il ajoute que le syndicat est ouvert à poursuivre la discussion pour «trouver une solution gagnant-gagnant».
Selon la Ville, en date du 25 février en fin de journée, 50% du soufflage de la neige avait été effectué. Elle craint que les précipitations attendues dans les prochains jours accentuent les problèmes actuels.
La convention collective des cols bleus de Châteauguay est échue depuis le 31 décembre 2023.
Ce n’est pas la première fois que les relations entre les cols bleus et la Ville s’enveniment autour de l’utilisation de main-d’œuvre privée pour le déneigement. À l’hiver 2023, l’affaire s’était rendue au Tribunal administratif du travail où la juge avait conclu que les deux parties avaient nuit aux opérations.