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Cerfs à Châteauguay : un équilibre fragile

le jeudi 03 décembre 2020
Modifié à 10 h 28 min le 05 décembre 2020
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

https://www.dailymotion.com/video/x7xwn0v Un problème de surpopulation de Cerfs de Virginie dans le parc Michel-Chartrand à Longueuil a mené la Ville à commander l’abattage d’une quinzaine de bêtes cet automne. Le projet soulevant un tollé, les animaux seront plutôt déplacés. La région de Châteauguay où l’animal est présent pourrait-elle faire face aux mêmes enjeux ? Pas à court terme, mais l’équilibre est fragile, laisse entendre Dominic Gendron, coordonnateur à la protection et à l’aménagement du territoire chez Héritage Saint-Bernard. À lire aussi : 29 collisions avec des cerfs en 5 ans dans le secteur de l'île Saint-Bernard « Il y a effectivement un certain problème de surpopulation de Cerfs de Virginie au refuge faunique Marguerite-D’Youville », confirme-t-il. « La population, qui tourne autour d’une trentaine d’individus, parfois un peu plus, a définitivement un impact sur la régénération de la forêt puisque les cerfs raffolent des jeunes pousses de feuillus », explique-t-il. Vaste espace Le portrait est toutefois différent dans la région de Châteauguay. « Il est difficile de comparer la situation avec Longueuil puisqu’ici les Cerfs de Virginie peuvent circuler librement entre le refuge faunique, le parc de la Commune et les autres habitats du corridor vert Châteauguay-Léry. Ils ne sont pas confinés à un site enclavé comme c’est le cas au parc Michel-Chartrand », observe Dominic Gendron. Les chevreuils vivent en grand nombre dans l’île Saint-Bernard mais pas en permanence. « L’hiver, lorsqu’il y a un bon couvert de neige, les Cerfs de Virginie quittent l’île Saint-Bernard pour se regrouper dans des habitats hivernaux de meilleure qualité, proposant un couvert forestier plus dense et composé en partie de conifères, ce que l’on ne trouve pas sur l’île. Les cerfs ne passent donc pas l’année sur le territoire et leur impact en est ainsi réduit et réparti sur une plus grande superficie de territoire. Durant la saison froide, les cerfs se réfugient dans certains secteurs du corridor vert Châteauguay-Léry et fort probablement à Kahnawake », détaille M. Gendron. L’étendue du territoire où ils circulent limite ainsi l’impact des Cerfs, souligne-t-il. Des endroits qu’ils fréquentent, comme le centre écologique Fernand-Seguin ne souffrent pas de problèmes de régénération de la forêt, illustre-t-il. « Nous n’avons qu’à penser aux milliers de fleurs printanières qui y tapissent le sol au printemps », mentionne M. Gendron. Pour prévenir un problème comme celui à Longueuil, il est nécessaire de garder intact l’habitat du chevreuil, fait valoir Dominic Gendron. « Il est évident que si des parties du corridor vert venaient à être détruites au profit de projets résidentiels, la situation changerait : la population de cerfs serait concentrée sur une plus petite superficie. En protégeant de grands territoires contigus comme le corridor vert Châteauguay-Léry et en créant des liens avec d’autres milieux naturels, nous favorisons un déplacement des animaux et un meilleur équilibre », expose-t-il. Coyotes «Pour ce qui est du Coyote, je crois que son impact est très faible sur la population de cervidés, considère Dominic Gendron. Bien que ce prédateur soit présent dans la région, la majeure partie de son alimentation est composée de petites proies, comme des souris et des marmottes. Occasionnellement, les Coyotes peuvent se nourrir de carcasses de Cerfs de Virginie, ou encore, attraper un vieux cerf ou un cerf blessé. À eux seuls, les Coyotes ne pourraient donc pas « contrôler » les populations. En plus, les hivers de plus en plus doux que nous connaissons dans le sud du Québec en raison du réchauffement climatique contribuent à l’augmentation de la population de cerfs dans le sud du Québec. » Mesures préventives Héritage Saint-Bernard pose des gestes pour limiter les dégâts des cerfs dans l’île Saint-Bernard. « Par exemple, nous plantons maintenant exclusivement des arbres de 150 à 200 cm afin de minimiser le broutage par les cerfs. En 2018, nos partenaires chez Nature-Action Québec ont réalisé une plantation de plusieurs centaines d’arbres dans l’île et tous les arbres plantés sont munis de tubes de protection contre le broutage de cerfs », indique Dominic Gendron. Un test pour mesurer l’impact des cervidés est également en cours. « Nous avons installé un exclos dans l’érablière à caryers au nord de l’île. Il s’agit d’un exclos de 100 m de circonférence. Les cerfs ne peuvent accéder à l’intérieur de cette zone, fait part M. Gendron. L’idée derrière ce projet est de documenter l’impact du cerf en comparant la végétation se trouvant à l’intérieur et à l’extérieur de l’exclos après quelques années. Si le projet s’avère une réussite, nous pourrons installer des exclos de plus grandes superficies dans certains secteurs de l’île afin de favoriser la régénération de la forêt. Cette technique est utilisée depuis longtemps sur l’île d’Anticosti et démontre un grand succès. » Ne pas nourrir les cerfs Croyant bien faire, des résidents de Châteauguay et de Léry nourrissent les cerfs dans leur cour. Ce geste nuit aux animaux. En les incitant à se déplacer, ils favorisent les accidents de la route, souligne Dominic Gendron. En une décennie, les collisions avec un cerf de Virginie ont fait un bond de 58 % en Montérégie, passant de 659, en 2010, à 1046 en 2018, selon des données de la SAAQ. « Les sites de nourrissage favorisent aussi la transmission de maladies par le partage de la salive et les contacts accrus entre les animaux », met en garde M. Gendron. Des aliments non adaptés au système digestif des Cerfs comme des fruits et des carottes en hiver peuvent provoquer chez lui des diarrhées et même la mort, met en garde Forêts, Faune et Parc. M. Gendron rappelle qu’à Châteauguay un règlement interdit de nourrir les animaux, à l’exception des oiseaux avec des mangeoires. « Nos gardiens et patrouilleurs bénévoles s’assurent que l’interdiction de nourrir les cerfs est appliquée de façon stricte afin d’éviter que les animaux dépendent des humains et qu’ils gardent leur instinct sauvage (par exemple, en n’étant pas nourris, les cerfs quittent l’île l’hiver pour trouver un meilleur habitat) », prévient-il.