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7 questions à Yann Chiasson qui a traversé le Canada à vélo

le lundi 15 octobre 2018
Modifié à 19 h 18 min le 15 octobre 2018
Par Michel Thibault

mthibault@gravitemedia.com

Né le 18 avril 1978, Yann Chiasson a pédalé ​6035 km pour faire son entrée dans la quarantaine. Du 26 avril au 16 juin 2018, le résident de Mercier a traversé le Canada, installé sur un vélo alourdi de bagages.  En couple et papa de deux garçons, l’homme qui travaille comme mécanicien d’appareillage à la Centrale Hydro-Québec de Beauharnois a accordé une entrevue au Soleil de Châteauguay. Voici un aperçu de son aventure en sept questions.
Je suis mécanicien d'appareillage à la Centrale Hydro-Québec de Beauharnois, j'ai une merveilleuse conjointe (Geneviève Boucher) qui m'a permis de réaliser mon rêve en me supportant et en gardant le fort seule, mes deux gars (Antoine 12 ans et Gabriel 10 ans) m'encourageaient pendant l'entrainement et le voyage, me suivaient sur une grosse carte du Canada
  1 - Pourquoi effectuer ce pèlerinage à 40 ans ? Ça fait très longtemps (voir autour de 2010) que je pousse vers l'avant ce rêve de traverser le Canada à vélo. Il y a tellement d'imprévus dans la vie qu'on ne peut savoir de quoi aura l'air demain alors il fallait que je place une date au calendrier et je trouvais qu'à 40 ans c'était l'idéal dans mon cas. J'ai beaucoup d'amis sportifs qui, eux, font leur premier marathon mais, étant blessé à un pied, j'ai fait une pause de course à pied pour augmenter mon volume en vélo. Mon premier voyage en cyclotourisme date du secondaire en 1994 où j'ai fait Poly-vélo, de Beauharnois-Tadoussac, dans l'équipe des mauves avec Stéphane Plante comme prof, à qui j'ai pensé durant mon voyage. 2 - Comment vous êtes-vous préparé au voyage ? Depuis un bon bout de temps j'avais accumulé mon temps supplémentaire et mes congés pour arriver à partir assez longtemps du côté de mon travail. Physiquement, je suis quand même assez en forme mais j'ai progressivement augmenté le volume de vélo en 2017 pour habituer le corps. J'ai passé beaucoup de temps sur un rouleau et j'ai aussi fait l'acquisition d'un vélo à gros pneus (fatbike) pour changer la routine en roulant dehors l'hiver et pour m'habituer au froid. Je savais qu'il y aurait des journées froides en décollant tôt dans l'année. Il y a eu beaucoup de temps à la préparation de l'équipement, essais et erreurs mon permis de faire différents choix sur le poids et l'efficacité de certains objets, par exemple, j'ai moi-même fabriqué mon réchaud à partir de cannettes de liqueur. Pour le vélo, j'ai fait confiance à Stéphane Dubuc de Réparation Dubuc pour la préparation du vélo, il m'a même aidé à quelques reprises à distance sur la route. 3 - À quoi ressemblait une journée typique ? Généralement, je me levais très tôt, autour de 5 heures du matin. La routine s'est très vite installée pour le rangement dans mes sacoches, chaque chose avait sa place. Un, pour le côté pratique et deux, pour le balancement du vélo. 5:30-6H j'étais déjà sur la route, moins de trafic pour ma sécurité et pour le bruit, 90% du temps j'étais directement sur l'accotement de l'autoroute. Oui j'avais le droit, c'est même très bien indiqué comme un réseau cyclable. Je déjeunais après 40-50 km de fruits et yogourt et quand l'option se présentait j'aimais bien prendre le déjeuner du camionneur surtout lors de grosse journée. Le dîner autour de 110-120 km était constitué principalement d’un sandwich fait par moi ou par Subway. La fin de journée était toujours une surprise car rarement je savais où j'allais dormir. À l'arrivée dans le dernier village de la journée, autour de 4-5 heures, j'étais à la recherche d'options pour dormir au sec, camping, motel ou chez les gens. Une fois mon toit trouvé, la douche suivait et le souper par la suite. La nourriture était souvent achetée en fin de journée pour les deux jours suivants, riz, pain, bananes, pommes, barres tendres, yogourt, etc...  4 - Quels ont été les plus beaux moments de votre aventure ? C'est certain que la beauté des Rocheuses à la vitesse de 18-20km/h c'était MALADE! J'avais le temps de voir les ours, wapitis, mouflons avec, au mois de mai, un bon tapis de neige par endroits. Coup de cœur, le parc de YOHO. La rencontre avec les gens tout au long du voyage était incroyable ! Les gens m'offraient nourriture, gîte et des cours d'anglais car je ne suis pas parfaitement bilingue. Il y a eu des moments très drôles et très touchants, par exemple, j'ai été hébergé chez des gens à Calgary que j'ai rencontrés à Halifax, reçu comme un roi, des repas gigantesques et même des tours de ville en véhicule.  5 - Les moment les plus difficiles ? Le VENT! J'ai fait mon voyage toujours en direction Est car les vents viennent principalement de l'Ouest mais ce printemps il en a été autrement. Sur les 52 jours de mon voyage, j'ai eu environ 7-8 jours de vents favorables. Ce qui veut dire que j'avais généralement un vent de face ou de biais avant. Il n'était pas toujours fort mais je devais me battre contre lui constamment. Deux portions de route en particulier ont été plus difficiles que le reste soit de Boston Bar BC à Cache Creek BC où ça montait beaucoup, pas très raide mais presque toute la journée, il faisait chaud et en plus j'ai manqué d'eau et la portion entre Thunder Bay ON à Marathon ON où c'était très montagneux et très raide comme pente, beaucoup de pluie mais par chance la vue était belle sur le Lac Supérieur. Côté santé ç’a bien été à l'exception de mes fesses qui ont chauffé et elles m'ont donné beaucoup difficulté à trouver un bonne position sur laquelle je pouvais rester quelques minutes à peine sans devoir me relever un peu. 6 - Qu’est-ce que ça représentait de pouvoir partager avec vos proches et amis pendant l’expédition grâce aux réseaux sociaux ? Et là là! J'étais pas rendu à Québec que mon cellulaire a cessé de fonctionner. Bien placé dans ma poche de manteau, il a quand même pris l'eau, énormément de pluie et il n'était pas dans un Ziploc, ce qui l'aurait peut-être sauvé. Je n'ai pas de données internet dans mon téléphone mais il y a beaucoup d'endroits où l'on peut trouver du WIFI mais j'ai pu faire confiance à un lien (maison) à qui je pouvais écrire ou appeler n'importe quand via le réseau cellulaire. Isabelle Boucher, la soeur de ma conjointe, a accepté d'être disponible en tout temps en cas de pépins tout au long de mon voyage. Souvent c'est elle qui rédigeait mes journées sur ma page Facebook. Cette page a été créée pour tenir au courant ma famille, mes amis et par défaut tout ceux qui tout au long du voyage se sont joints à cette page par curiosité. J'avais des encouragements qui venaient de gens que je ne connais même pas, tous ces beaux mots étaient les bienvenus. Les réseaux sociaux mon beaucoup aidé dans les moments de repos car c'est dans ces moments que je me sentais le plus seul, évidemment j'appelais directement à la maison pour parler à ma conjointe et mes gars (au moins une fois semaine ou plus quand ça allait mal). Grâce à cette page, des contacts de contacts ont fait en sorte que j'ai, à plusieurs reprises, été hébergé chez des gens que je ne connais pas du tout pour y vivre de magnifiques rencontres. 7 - Qu’est-ce que ça représente pour vous d’avoir accompli cet exploit ? Honnêtement j'en suis très fier mais je ne réalise pas en totalité ce que j'ai fait. J'ai beau regarder mes photos, mes cartes et en parler mais c'est comme si j'avais fait une fin de semaine de vélo et que j'étais retourné au travail le lundi suivant. J'en suis bien humble. J'aime vraiment ça en parler car même si je tenais un livre de bord, on en oublie toujours des petits bouts et ça me permet de réactiver certains souvenirs presque oubliés. Beaucoup de personnes me demandent quel sera mon prochain défi ? Nous avons tous un seau imaginaire rempli de rêves et, oui, je pense déjà à d'autres projets mais je ne me suis pas arrêté sur un en particulier. J'espère avoir donné le goût à mes gars de partir à l'aventure, de réaliser leurs rêves quel que ce soit, de ne pas se laisser décourager, de sortir de leurs zones de confort pour vivre des expériences incroyables et de ne pas avoir peur de l'inconnu. Si mon aventure était à refaire c'est sans hésitation que je repars !      Voici le dernier texte que l’aventurier a publié sur sa page Facebook concernant son périple:  «6035 kilomètres, moyenne de 134km/jour (incluant 26km dans Halifax et 40 dans Vancouver), 52 jours (2 airbnb, 2 nuits à la belle étoile, 12 nuits en motel, 16 chez les gens et 20 en camping), pleins d'animaux (renard, coyotes, hiboux, chevreuils, antilopes, mouflons, ours et orignaux), 3 accidents de vélo, 5 jours de repos, plus grosse journée en distance 250km (Moose Jaw - Whitewood), plus grosse journée en temps 10:30 de vélo (Mattawa - Cobden), la journée la plus difficile Boston Bar - Cache Creek, 9 Subway, 12 Tim Horton et 14 restaurants, une seule crevaison et un rayon de brisé, 3 journées sans douche (Lac Baker, aéroport de Vancouver et derrière l'ancien garage pas propre de Welsh), coût total 3333$. J'ai pris une semaine de repos à mon retour. Je suis retourné au travail comme si j'avais fait du vélo pendant la fin de semaine, comme si rien n'était, pas courbaturé du tout. J'ai beau regarder les photos, mes notes, les cartes, en parler, je sais très bien que je l'ai fait mais je ne le réalise pas. J'ai fait de magnifiques rencontres et j'ai vu des paysages à couper le souffle. C'est sans hésitation que je le ferais de nouveau. Mon vélo est parti chez mon ami Stéphane de chez Réparation Dubuc pour se refaire une beauté, tout y passe, même que mon essieu arrière était brisé en 2 lors du démontage! Il est entre de bonnes mains. Le bonheur n'est jamais bien loin, juste le fait de mettre un chandail SEC le matin me rappel plusieurs matins difficiles, ouvrir le robinet et d'avoir de l'eau POTABLE instantanément, wow! Mon prochain trip? C'est LA question qui suit souvent la fin d'une discussion. J'en ai aucune idée, seul l'avenir le décidera. Merci beaucoup pour tous vos encouragements, j'ai tout lu et relu, j'ai ri et j'ai eu les yeux pleins d'eau. On continue! A+ Yann»